10 October 2025 Recherche

Dix ans d’expérience d’ordonnances de traitement dans la communauté

Félicitations à Stéphane Morandi, Charles Bonsack, Karim Boubaker et Benedetta Silva pour leur article Ten Years of Community Treatment Orders in Western Switzerland !

L’article raconte dix années d’expérience du canton de Vaud avec les ordonnances de traitement dans la communauté. Les auteurs constatent que l’usage des ordonnances de traitement dans la communauté reste limité mais durable. Si certaines ont permis des améliorations, d’autres se sont soldées par des ruptures ou des échecs, rappelant que la contrainte ne garantit pas l’adhésion aux soins. Ils soulignent aussi la vulnérabilité d’une partie des patients, dont la mortalité reste élevée, et appellent à poursuivre la réflexion sur l’usage de la contrainte en psychiatrie ainsi qu’à développer des formes de suivi plus souples et moins contraignantes lorsque cela est possible.

 

Félicitations pour l’article : Morandi S, Bonsack C, Boubaker K, Silva B. Ten Years of Community Treatment Orders in Western Switzerland: an Update. Community Ment Health J. 2025.

L’article raconte dix années d’expérience du canton de Vaud avec les ordonnances de traitement dans la communauté, un dispositif juridique qui permet d’imposer à certaines personnes souffrant de troubles mentaux graves un suivi psychiatrique ambulatoire obligatoire. Ces mesures, introduites en Suisse en 2013, visaient à offrir une alternative à l’hospitalisation forcée, lorsque les soins pouvaient être assurés hors de l’institution. Dès leur mise en place, le canton de Vaud a décidé d’en assurer un suivi systématique afin d’en mesurer l’usage, la durée et les effets sur les personnes concernées.

Entre 2013 et 2022, cinq cent trente ordonnances ont été prononcées, principalement par des juges civils. Leur fréquence annuelle est restée faible et stable, autour de cinq à dix nouvelles mesures pour cent mille habitants, mais leur nombre cumulé a augmenté au fil des années, atteignant vingt-cinq pour cent mille habitants à la fin de la période. Les personnes concernées présentent un profil assez homogène : la plupart sont des hommes suisses d’une cinquantaine d’années, souvent célibataires ou divorcés, vivant seuls et placés sous une forme de tutelle. Le diagnostic le plus fréquent est celui de schizophrénie ou d’un trouble délirant, parfois associé à des problèmes de dépendance à l’alcool ou à d’autres substances.

Les ordonnances durent en moyenne un peu plus de deux ans, certaines beaucoup plus longtemps. Près des deux tiers ont été levées au cours de la décennie étudiée. Les raisons de la levée varient : dans un peu moins de quatre cas sur dix, les objectifs de soins avaient été atteints ; dans environ un tiers, le patient n’avait pas respecté les conditions imposées, parfois au point de nécessiter une hospitalisation contrainte ; dans un cas sur huit, la mesure a pris fin avec le décès du patient. Quelques situations relèvent d’autres motifs, comme le transfert vers une structure médico-sociale.

L’analyse statistique montre qu’un seul élément est associé à une durée plus longue de la mesure : l’obligation de prendre un traitement médicamenteux. Cette observation pourrait s’expliquer par deux logiques opposées, soit une plus grande coopération des patients stabilisés, qui incite les professionnels à prolonger la mesure, soit au contraire la sévérité du trouble, qui rend les soignants et les juges réticents à y mettre fin. En comparant les trajectoires des patients selon l’issue de leur ordonnance, les chercheurs dégagent plusieurs profils : des patients moins complexes et mieux insérés pour lesquels la mesure a été bénéfique ; des patients réfractaires, peu accessibles aux soins, chez qui la contrainte n’a pas produit l’effet escompté ; des personnes plus gravement atteintes qui ont finalement dû être hospitalisées ; des malades âgés et fragiles dont les troubles somatiques ou addictifs ont parfois conduit au décès ; et enfin des personnes souffrant de troubles neurodégénératifs, orientées vers des établissements spécialisés.

Au terme de cette décennie, les auteurs constatent que l’usage des ordonnances de traitement dans la communauté reste limité mais durable. Leur profil et leur fonctionnement n’ont guère évolué depuis leur introduction. Si certaines ont permis des améliorations, d’autres se sont soldées par des ruptures ou des échecs, rappelant que la contrainte ne garantit pas l’adhésion aux soins. Ils soulignent aussi la vulnérabilité d’une partie des patients, dont la mortalité reste élevée, et appellent à poursuivre la réflexion sur l’usage de la contrainte en psychiatrie ainsi qu’à développer des formes de suivi plus souples et moins contraignantes lorsque cela est possible.

Pour en savoir davantage :

Cette brochure vous permettra de mieux comprendre les différentes mesures de contrainte :

Brochure sur le PLACEMENT À DES FINS D’ASSISTANCE (PLAFA) ET AUTRES MESURES DE CONTRAINTES

Jérôme Favrod, So-psy.ch