« Black Sun: A First-Person Account of Negative Symptoms », écrit anonymement, est un témoignage littéraire et profondément intime de ce que signifie vivre avec les symptômes négatifs de la schizophrénie. Loin des descriptions cliniques classiques, le texte donne voix à l’expérience subjective, intérieure et souvent invisible d’une personne confrontée à l’effondrement progressif de son monde personnel.
L’auteur ne décrit pas les symptômes négatifs comme une simple « perte de motivation », mais plutôt comme une lente désintégration de la vie, un effondrement en cascade où chaque pièce entraîne la suivante : le diagnostic, le retrait social, la perte des repères identitaires, et le remplacement des relations humaines par un environnement médicalisé impersonnel. Le texte est traversé par une immense solitude, une douleur muette et un sentiment d’inutilité, amplifié par le regard médical, qui réduit l’individu à une série de symptômes.
L’hospitalisation, les médicaments, les évaluations psychiatriques deviennent des éléments d’un quotidien désincarné, où plus rien ne fait sens. Le corps est présent, mais l’esprit s’évade dans des mondes parallèles — parfois hallucinés, parfois poétiques, parfois désespérés — qui deviennent des refuges face à l’insupportable réalité. La « passivité » observée par les soignants cache en fait une activité mentale intense, un besoin vital de fuite et de survie psychique.
Le texte met également en lumière le fossé entre les intentions des professionnels de santé et la réalité vécue du patient. Malgré leur bienveillance, les outils thérapeutiques classiques — tels que la thérapie motivationnelle ou la thérapie cognitivo-comportementale — sont vécus ici comme vides, déconnectés de la véritable détresse. Ce qui est nommé « alogie », « retrait social » ou « absence d’émotion » est en réalité un cri silencieux, un refus de se conformer à un système qui ne comprend pas.
En fin de compte, ce chapitre n’apporte pas une solution, mais un témoignage brut et puissant. Il interroge la validité des catégories diagnostiques, l’efficacité des interventions standardisées, et surtout, il invite à repenser en profondeur la manière dont nous écoutons et accompagnons ceux qui vivent avec des symptômes négatifs. Ce n’est pas un texte à lire pour apprendre à traiter, mais pour apprendre à ressentir — à s’approcher, autant que possible, de l’expérience humaine derrière le silence.
Jérôme Favrod, Goumoens-la-Ville