Le chapitre « My Personal Experience of Negative Symptoms », rédigé par Lumi Winterson, est un témoignage personnel et sensible qui met en lumière les effets dévastateurs des symptômes négatifs de la psychose, souvent éclipsés par les symptômes dits positifs comme les hallucinations ou les délires. L’auteure, diagnostiquée d’un trouble schizoaffectif à l’âge de 19 ans, partage ici plus de deux décennies d’expérience avec ces symptômes souvent invisibles mais profondément invalidants.
Ce qui ressort d’abord, c’est que, pour elle, les symptômes négatifs sont plus éprouvants que les symptômes positifs. Le manque de plaisir, d’énergie, de motivation et d’élan social génère une lassitude constante, une perte de sens qui peut mener à un profond désespoir. Lumi décrit un cercle vicieux où l’apathie conduit à la sédentarité, à une dégradation de la santé physique, à la prise de poids, voire au diabète, ce qui à son tour alimente la dépression et l’isolement. Les effets secondaires des médicaments n’aident en rien, renforçant parfois ce cycle délétère.
Elle évoque aussi la difficulté de différencier les symptômes négatifs de la dépression, tant ils se ressemblent. Ce flou diagnostique rend parfois l’accompagnement clinique inadapté, surtout lorsque les professionnels ne parviennent pas à reconnaître ou prendre en compte les tentatives de communication non verbale, comme l’écriture ou les dessins. Lumi témoigne notamment de moments où son incapacité à parler n’a pas été comprise ou respectée, ce qui a pu avoir des conséquences graves, comme lors d’une erreur de traitement.
Un aspect fondamental de son récit est la place centrale que la créativité a prise dans sa vie et son rétablissement. L’art, sous toutes ses formes – arts plastiques, artisanat, écriture, musique – lui a offert un canal d’expression lorsque les mots lui échappaient. Elle parle avec émotion de sa découverte de l’art-thérapie, de la pratique du piano ou encore de la poésie d’effacement, comme autant de moyens de donner forme à son vécu intérieur. Ce sont ces pratiques artistiques qui, à plusieurs reprises, l’ont « sortie de la boue », là où ni les médicaments ni les approches thérapeutiques classiques ne suffisaient.
Enfin, elle insiste sur l’importance de l’écoute et de la reconnaissance de l’unicité de chaque parcours. Ce chapitre n’est pas un manifeste contre la psychiatrie, mais plutôt une invitation à mieux comprendre l’expérience subjective des personnes qui vivent avec des symptômes négatifs, et à valoriser les ressources personnelles et créatives dans les processus de soin. À travers sa voix lucide et touchante, Lumi Winterson nous rappelle que, dans le silence apparent de la psychose, une vie intérieure complexe continue d’exister – et qu’elle mérite d’être entendue.
Jérôme Favrod, Goumoens-la-Ville