29 June 2025 Recherche

Le programme émotions positives pour la schizophrénie, PEPS

Le chapitre « The Positive Emotions Program for Schizophrenia (PEPS) as an Affective Intervention for Negative Symptoms », rédigé par Alexandra Nguyen et Jérôme Favrod, présente une approche innovante et structurée pour traiter les symptômes négatifs de la schizophrénie, notamment l’apathie et l’anhédonie, à travers l’induction et la régulation des émotions positives.

Le point de départ du programme PEPS repose sur la distinction entre deux types de plaisir : le plaisir anticipé, qui est lié à la motivation et à la planification de comportements dirigés vers un but, et le plaisir expérientiel, ressenti dans l’instant présent. Des recherches ont montré que les personnes atteintes de schizophrénie ne sont pas nécessairement incapables de ressentir du plaisir sur le moment, mais ont davantage de difficultés à anticiper des expériences plaisantes, ce qui contribue à leur retrait social et à leur manque de motivation.

PEPS a été conçu précisément pour cibler cette difficulté. Il s’agit d’un programme de groupe en huit séances, reposant sur des supports visuels et des personnages fictifs (Jack et Jill) qui illustrent les exercices. Chaque session débute par un moment de relaxation et se concentre ensuite sur des compétences spécifiques telles que savourer des expériences agréables, exprimer ses émotions de manière comportementale, partager des événements positifs avec autrui, ou encore anticiper des moments plaisants. Le tout est structuré selon un modèle pédagogique fondé sur l’apprentissage expérientiel (modèle de Kolb), intégrant expérience concrète, observation, conceptualisation et expérimentation active.

Une dimension originale de PEPS réside dans le rôle actif des animateurs. Ceux-ci ne se contentent pas d’animer les sessions, mais participent eux-mêmes aux exercices, partagent leurs propres expériences positives et servent de modèles d’expression émotionnelle. Cette posture d’implication personnelle permet de renforcer le lien thérapeutique et de rompre avec la verticalité traditionnelle de la relation soignant-soigné. Des études qualitatives ont d’ailleurs montré que le dévoilement de soi de la part les professionnels pouvait favoriser une relation plus égalitaire et authentique avec les participants.

Les exercices proposés visent à contrecarrer les pensées défaitistes, fréquentes chez les personnes souffrant de symptômes négatifs, en leur proposant des interprétations alternatives face aux échecs perçus. Les participants apprennent à observer et à amplifier leurs sensations agréables, à s’engager dans des activités plaisantes à faible coût d’effort, et à les anticiper mentalement. Un carnet d’exercices permet d’étendre l’expérience en dehors des sessions.

L’efficacité du programme PEPS a été testée dans un essai clinique contrôlé randomisé, qui a montré une amélioration significative de l’apathie et de l’anhédonie chez les participants, avec des effets maintenus à six mois. Un test en conditions naturelles a également confirmé la faisabilité du programme, avec un très faible taux d’abandon. Par ailleurs, une plateforme de formation en ligne (https://e-peps.ch) a été développée pour permettre aux professionnels d’acquérir les compétences nécessaires à l’animation de groupes PEPS, avec des retours très positifs quant à la satisfaction et à l’acquisition des compétences.

En conclusion, PEPS se présente comme une intervention brève, structurée, facilement implémentable et bien tolérée, qui propose une réponse ciblée aux symptômes négatifs de la schizophrénie. Il met l’accent sur les ressources internes des patients et l’importance des expériences émotionnelles positives dans le processus de rétablissement. Les auteurs appellent à des études complémentaires pour valider encore davantage cette approche et à une diffusion plus large dans les milieux cliniques.

Lincoln, T., Brown, M., & Kimhy, D. (Eds.). (2025). Psychosocial Approaches to Negative Symptoms in Psychosis. Oxford Univeristy Press.

Jérôme Favrod, Goumoens-la-Ville